Nuisances sonores et voisinage : que faire en cas de conflit ?
Le chien de vos voisins aboie ? Des travaux sont réalisés dans l’appartement voisin ? Le fils de votre voisine apprend le violon ? Les talons de la locataire du dessus claquent sur le plancher ? Tous les
samedis, les tondeuses entament leur ballet rugissant ? La télé de votre voisin hurle toute la journée ? La proximité des maisons et la vie en collectivité offrent de nombreuses occasions d’être soumis au bruit. Or, le bruit peut vite tourner au cauchemar au-delà de certaines limites acceptables. Les nuisances sonores sont une des premières causes des conflits de voisinage. La jurisprudence l’affirme : « Nul ne peut causer à autrui des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ». Mais à partir de quand les nuisances sonores peuvent-elles être considérées
comme « anormales » ? Quels sont vos recours pour les faire cesser ? Voici notre guide pour résoudre un conflit de voisinage lié à la pollution sonore.
Nuisances sonores : comment les caractériser ?
Les nuisances sonores sont considérées comme des troubles de voisinage, tout comme les nuisances olfactives ou visuelles. Mais à partir de quand le bruit inhérent à l’activité quotidienne se transforme-t-il en nuisances sonores « anormales » ? Les textes et la jurisprudence de la Cour de Cassation apportent des réponses.
Les caractéristiques du trouble anormal de voisinage
Dans « trouble anormal de voisinage », deux notions coexistent : le rapport de voisinage et le caractère anormal du trouble.
La jurisprudence interprète largement la notion de voisinage. Elle le définit comme « une aire de proximité dans laquelle peuvent cohabiter plusieurs personnes ». Pour qu’un trouble de voisinage
soit constitué, il n’est donc nullement nécessaire que les deux parties concernées soient des voisins directs.
Quant au caractère anormal du trouble, il est constitué dès lors que « le trouble dépasse les inconvénients normaux et ordinaires du voisinage ». Tout le défi des textes et des juges est d’évaluer à partir de quand un trouble excède le seuil de tolérance d’une personne « normale ».
À partir de quand les nuisances sonores se transforment en trouble anormal
de voisinage ?
Il n’existe aucun texte légal pour définir clairement les créneaux horaires où le bruit est autorisé et ceux où le bruit est expressément interdit. Des précisions peuvent cependant être
apportées par arrêté municipal ou préfectoral ou dans le règlement de copropriété. C’est à vous de vous renseigner auprès de votre mairie et/ou de votre syndicat de copropriété pour connaître les règles en vigueur.
En journée, la justice s’appuie sur trois critères pour déterminer si le bruit représente une nuisance sonore « anormale » : la durée, l’intensité et la répétition du bruit. Ces critères ne sont pas
cumulatifs. Ils sont précisés dans l’article R1336-5 du Code de la santé publique : « Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du
voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un
animal placé sous sa responsabilité ». L’article R1336-7 apporte des précisions concrètes sur l’intensité. Elle ne doit pas dépasser plus de 5 décibels entre 7h et 22h et plus de 3 décibels la
nuit. Ces valeurs sont néanmoins pondérées en fonction de la durée du bruit mais aussi de la bande d’octave.
La nuit, les règles sont plus strictes. Dès lors que le bruit survient entre le coucher et le lever du soleil, il peut être caractérisé de tapage nocturne, et ce même s’il n’est ni répétitif, ni intensif et qu’il ne dure pas dans le temps. C’est une infraction qui peut être constatée par la police.
D’autres critères entrent aussi en compte dans le jugement d’un litige sonore, comme la zone géographique. Le juge peut estimer que le chant d’un coq ou les cloches des vaches ne sont pas des
bruits anormaux dans un environnement rural, tout comme le bruit du camion poubelle en ville.
Le cas particulier des nuisances sonores liées à des professionnels
Il existe des règles spécifiques en cas de nuisances sonores engendrées par des professionnels.
Des travaux publics sont réalisés à proximité de votre habitation ? Sachez qu’ils sont considérés comme bruyants par nature. L’entreprise doit cependant prendre des mesures pour ne pas
créer de nuisances sonores anormales : utiliser du matériel et des équipements conformes aux exigences d’émissions sonores et respecter les jours et horaires de chantier déterminés par arrêté municipal ou
préfectoral. En cas de non-respect de ces règles, l’infraction peut être constatée.
Vous habitez près d’un restaurant, d’un bar ou d’une discothèque ? Vous ne pouvez agir que si les établissements ne respectent pas leurs obligations comme les horaires d’ouverture et de fermeture réglementés par arrêté ou la réalisation des travaux d’insonorisation obligatoires pour les discothèques.
Vous habitez à proximité d’une activité agricole ? Le bruit des activités agricoles non classées suit les mêmes règles que les autres bruits de voisinage. Mais ces nuisances peuvent faire l’objet
de réglementations spécifiques, définies dans le règlement sanitaire départemental et complétées par arrêté municipal. La pollution sonore liée aux semis, récolte ou entretien et réparation de matériel agricole saisonnier bénéficie également de tolérance dans la mesure où elles respectent la réglementation relative au bruit.
Que faire en cas de litiges de voisinage pour nuisances sonores ?
En cas de conflit de voisinage avec un particulier ou un professionnel, la première étape est de rechercher une solution à l’amiable. La justice est à saisir en dernier recours, à l’appui d’un
dossier solide.
La concertation amiable
Pour trouver une issue favorable au conflit, vous avez plusieurs solutions, à utiliser en escalade :
- La première action est d’engager le dialogue avec votre voisin qui peut ne pas avoir conscience de la gêne occasionnée.
- Si votre voisin ne modifie pas son comportement, vous pouvez le mettre en demeure de faire cesser la nuisance sonore. La mise en demeure s’effectue par lettre recommandée avec accusé de
réception. Si vous habitez en copropriété, vous pouvez vous appuyer sur le règlement de copropriété pour rappeler les droits et devoirs des occupants en matière de bruit. C’est aussi le moment de vérifier s’il existe un arrêté municipal ou préfectoral qui viendrait appuyer votre
mise en demeure. - En troisième intention, vous pouvez faire appel à une personne extérieure pour vous aider à dialoguer et trouver une solution amiable au conflit. Il existe plusieurs types de procédure : la
médiation payante, la conciliation de justice gratuite ou encore la procédure participative payante avec recours à un avocat. Si la tentative de conciliation/médiation n’est plus obligatoire depuis une décision du Conseil d’État du 22 septembre 2022, elle est néanmoins fortement
conseillée avant de saisir la justice.
Tout au long de la procédure, n’oubliez pas de conserver toutes les preuves de vos démarches amiables.
Poursuivre l’auteur des troubles sonores de voisinage en justice
En cas d’échec, il ne vous reste qu’une solution : saisir la justice. Selon le montant du préjudice, vous devez vous adresser au tribunal de proximité ou au tribunal judiciaire.
À l’issue de la procédure, le juge prononce la cessation du trouble s’il est avéré et peut décider de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Il peut aussi contraindre l’auteur des
nuisances sonores à prendre des mesures concrètes pour faire cesser le bruit (arrêt de travaux en cours, insonorisation du logement, résiliation du bail d’un locataire trop bruyant, séparation
d’un animal,…)
Pour saisir le juge, il est recommandé de disposer d’un dossier solide. En effet, l’article 32-1 du Code de procédure civile condamne à 10 000 euros d’amende toute personne qui saisit la
justice « de manière dilatoire ou abusive ».
Un maximum de preuves doit être réuni en amont de votre démarche auprès du tribunal. Vous pouvez :
- Faire constater par un commissaire de justice la nuisance sonore et le trouble anormal qu’elle engendre.
- Faire appel à la police ou à la gendarmerie et déposer une main courante ou porter plainte. En cas d’infraction constatée,
l’auteur de la nuisance sonore peut être sanctionné par une amende forfaitaire de 68 euros. - Réunir des témoignages ou faire signer une pétition.
- Apporter des preuves des impacts de la pollution sonore subie sur votre état de santé (comme des lésions auditives) ou sur votre vie quotidienne (comme des insomnies nocturnes ayant un impact sur votre activité professionnelle).
Bon à savoir : une vidéo ou des photos prises à l’insu de votre voisin ne sont pas recevables comme preuves.
Comment se protéger des nuisances sonores ?
La pollution sonore que vous subissez est considérée comme « normale » ? Vous ne pouvez pas agir pour la faire cesser ? C’est le cas par exemple si votre voisin effectue des travaux ponctuels dans le respect du règlement de copropriété ou si un chantier de travaux publics est en cours à proximité de votre habitation. Comment alors supporter le bruit ?
Pour les bruits du quotidien, vous pouvez montrer l’exemple en adoptant quelques astuces simples :
- Réduire le bruit des équipements ménagers et de jardinage en privilégiant l’achat d’appareils silencieux, électriques ou manuels ou en prévoyant des systèmes anti-vibrations pour des équipements sonores comme le lave-linge.
- Amortir les bruits quotidiens par de petits gestes comme installer des tampons de mousse pour éviter les portes qui claquent, poser un tapis pour amortir les pas ou encore coller des
patins anti-bruit sous les pieds des chaises. - Modérer le volume sonore de vos appareils audio.
Pour les nuisances sonores élevées, quelques solutions s’offrent à vous :
- Demander à vos voisins de vous prévenir à l’avance en cas de fêtes ou de travaux. Cela vous permet d’anticiper et de passer la soirée ou le week-end à l’extérieur pour ne pas subir ces
nuisances sonores ponctuelles. - Investir dans un casque anti-bruit.
- Isoler votre logement, fenêtres et murs : cette solution coûteuse peut être la seule solution pour vous offrir de la tranquillité si vous habitez à proximité d’activités professionnelles bruyantes.